Ma petite bonne

ROMAN – Dès 14 ans **
de Jean-François CHABAS
Editions Talents hauts – 16€

Nous sommes en 1976, Nada dix-sept ans, son frère Habib un peu plus jeune et sa mère Diana vivent depuis la mort de leur père, pompier tué par un sniper lors des combats, à Beyrouth, chez Teta leur grand-mère. L’arrivée de Ife, une jeune éthiopienne employée comme bonne, modifie la vie de la maison. Considérée comme un second choix qu’il faut tout d’abord renvoyer, marquée par des tatouages rituels et soit disant incapable, Ife subit de la part de la grand-mère certes mais aussi de la part de Nada et de sa mère des gestes d’une grande violence : Nattes coupées par crainte des poux, gifles, interdiction d’utiliser les objets de la famille, Ife est humiliée par la grand-mère. Pour Nada, c’est normal.  Pour sa mère :  elle n’ose se rebeller contre Teta qui est le chef de la famille. Habib, lui, essaie de l’accueillir. Il est en effet beaucoup plus réservé sur cette forme d’esclavage qu’est la Kefala. Ife qui comprend tout ce qui est dit, souhaite toutefois rester dans cette famille, elle en a besoin. Elle va peu à peu se révéler, son efficacité va s’exercer. Il faudra deux événements pour que les choses changent : le drame vécu par une autre bonne amie d’Ife, philippine cette fois, et l’odieux comportement de Teta à son égard. Habib sera suivi par Nada et sa mère qui changeront de regard face à cette pratique et sauront agir contre elle.

L’écriture très rythmée de l’auteur plonge le lecteur dans la pratique du Kefala au Liban dans les années 1976. Sans oublier que cette forme d’esclavage existe encore, il nous montre comment une attitude qui pouvait paraitre normale tant elle était depuis longtemps pratiquée, devient quand on ouvre les yeux à la façon d’Habib et plus tardivement de Nada totalement inhumaine.
L’auteur contextualise dès le début du livre ce récit, ce qui est important, pour éviter le piège de l’anachronisme. Lire ce livre c’est aussi comprendre combien les préjugés sont prégnants et ont besoin de temps pour s’étioler.
A l’heure où cet esclavage moderne existe encore sous d’autres formes, voici un ouvrage qui ouvre les yeux.