SOS Bonheur

Voilà trente ans, Jean Van Hamme exaltait la liberté toute illusoire des révoltes adolescentes contre toutes les formes de l’autorité et les contraintes qu’engendre le « système ».

Trente ans plus tard, et avec sa bénédiction, Griffo pour le dessin et Desberg pour le scénario reprennent le flambeau dans la société d’aujourd’hui où les moindres de nos faits et gestes sont la proie de l’économie numérique et où le concept de sécurité et de morale collective ont pris le pas sur ceux de bonheur et de liberté.

La démarche est d’abord prospective et vise à identifier des marqueurs sociétaux susceptibles de déterminer un avenir possible redoutable en l’occurrence avec :
– la prégnance des valeurs d’extrême droite
– le retour des valeurs réactionnaires
– le machisme triomphant
– le culte de la préférence nationale
– le totalitarisme qu’on veut imposer fût-ce par la force.

Puis le scénario projette cette réalité dans une fiction qui met en scène le quotidien de quelques personnages broyés par un monde devenu infernal.

C’est noir, glaçant, dérangeant, violent et ne laissera aucun lecteur indifférent tant il est vrai que la fiction trouve écho dans l’actualité du monde d’aujourd’hui.

Chaque chapitre met en scène un aspect de cette société totalitaire :
– voilà une fille aux prises avec la brutalité d’un garçon macho
– voilà une femme battue aux prises avec les forces du maintien de l’ordre
moral pour avoir trouvé refuge dans l’adultère (on a supprimé le droit au divorce pour palier l’échec du mâle occidental)
– voilà Laziza, française sans doute mais « moins que les autres », que l’on prive de son emploi et de ses droits parce qu’elle a préféré rester fière d’elle plutôt que d’accepter de pratiquer la délation
– voilà Anne empêchée de faire des études de médecine dans un pays où l’état a abandonné la protection sociale à des sociétés caritatives plus soucieuses de finance et de valeurs morales que de la santé de ses mandants et qui sauvera son père en vendant son corps à l’expérimentation médicale
– voilà Risbeck le jeune policier qui découvre que la police sous-traite sa mission au milieu local
– voilà Huberty qui refuse le négationnisme et fait découvrir Hitler, Auschwitz et le ghetto de Varsovie.
Il lui en cuira et Aude, son élève sera emmenée par la milice pour découvrir que les camps existent toujours
– voilà Camille le cinéaste qui réinvente l’assassinat de Kennedy pour nourrir l’émotion propice au coup d’état de son Président et qui se retrouve pris dans un engrenage infernal
– voilà Moreau chargé de retrouver ces témoins gênants…

Camille échappe à ses poursuivants….

On sent que la fiction prospective va se faire thriller politique….que le temps de la révolte va enfin sonner !

On le souhaite en tout cas tant cette évocation glaçante finit par indisposer.
Nous sélectionnons cet ouvrage dérangeant.
Ne pas le faire serait penser à la place du jeune lecteur ce qui est bien pour lui…et nous inscrire à notre tour dans une démarche totalitaire.
Nous le recommandons pour les ados à partir de 15 ans en espérant que la publication du volume 2 ne tardera pas trop !