Nous autres simples mortels

ROMAN – Dès 15 ans *
De Patrick NESS
Éditions Gallimard  – 16 €

 Le compte à rebours a commencé pour Henna, Mel, Michael et Jared. Leur bac en poche (ce sont de bons élèves), ils quitteront le lycée dans quatre semaines. Ce tournant de leur vie est raconté par Michael.

Henna subit le diktat de sa famille, Jared est devant un choix difficile à cause de sa mère, Mel et son frère Michael sont très proches l’un de l’autre mais on apprend très vite qu’ils ont été blessés par une « fêlure » d’origine familiale. Les aspects douloureux du passé des quatre amis interfèrent avec un présent peu encourageant voire apocalyptique dont ils discutent et en face duquel ils se soutiennent beaucoup… Leur avenir est en question.

Par ailleurs, si Michael se qualifie lui-même de « pauvre mortel », c’est que le monde dans lequel il vit n’est pas notre monde. Les têtes de chapitre en témoignent. Elles sont exclusivement consacrées à des « immortels », combattus par des « indie kids », certains lycéens au destin héroïque…

Les « simples mortels » portent un regard détaché sur cet idéal car ils veulent juste « vivre heureux sans refaire le monde ».

Le psychologique n’est pas tout, le paysage d’une société en crise défile aussi sous forme de péripéties et d’instantanés sur autrui. Une structure éclatée permet en effet de poser un regard critique sur le monde, la société, les autres, en un questionnement perpétuel.
A côté du thème récurrent des ravages de l’anorexie et des troubles obsessionnels, de petits récits parallèles traitent de tout ce qui peut être perturbant. L’alcoolisme, l’engagement politique, les fans de chanteurs, la spiritualité militante, les médicaments associés à un traitement psychiatrique et avec une grande pudeur, l’homosexualité.

D’une lecture apparemment facile, l’écriture étant très vivante grâce aux dialogues prédominants, pour réunir toutes les données permettant de connaître les quatre amis il faudra cependant avoir parcouru de nombreux chapitres, allant de digressions en retour au passé.
L’auteur multiplie les voix, éclate l’espace et le temps et fait peu à peu émerger chaque être dans son épaisseur humaine. C’est ce qui fait toute la richesse du roman et distingue le livre des nombreux ouvrages sur les lycéens anglo-saxons.
Un roman d’une grande valeur littéraire.