ROMAN –  Dès 15 ans **
de Stéphane SERVANT
Éditions Gallimard jeunesse – Collection ( Pôle Fiction) – 5,70 €

Un road-movie de la France à l’Espagne de Frédéric, un jeune skinhead et de sa grand-mère souffrant de la maladie d’Alzheimer, à la recherche de leurs racines.

Un roman où les personnages se révèlent attachants malgré leur absence complète de mesure.
Un roman âpre et violent où la plupart des personnages rencontrés sont malades de leur passé.

On rencontre Frédéric alors qu’avec une bombe de peinture, il signe d’une croix gammée son entrée dans la Meute (une bande de skinheads d’une banlieue), au moment précis où il affronte une épreuve destinée à lui permettre d’obtenir son droit de passage dans ce groupe minable et ultra-violent, raciste et antisémite.

Frédéric est prêt à tout pour faire partie d’un groupe.
Son père émigré espagnol a sombré dans l’alcool avant de suicider quand il a perdu son boulot de maçon.
Sa mère fait ce qu’elle peut, entre ce fils adolescent difficile et son boulot de femme d’entretien dans un supermarché miteux.

Entre deux mauvais coups, Frédéric est appelé par sa grand-mère.
Pensionnaire d’une maison de retraite française, la vieille dame espagnole vient de fuguer et annonce  qu’elle part à son petit fils qu’elle n’a pas vu depuis des années .
Elle est à la gare.
Frédéric fonce et la retrouve in-extremis dans un train direct pour Madrid.

Pépita raconte son passé à Frédéric qui le découvre avec stupeur : son mari disparu alors qu’elle était enceinte (fusillé avec son meilleur ami Frédéric Garcia Lorca, le poète, par des franquistes).
Elle apprend à son petit fils qu’il porte son prénom en hommage à cet ami.
Elle raconte les corps des deux hommes jetés dans le Gualdaquivir, corps qu’elle a cherchés sans relâche et sans succès jusqu’à la naissance de son bébé…

Elle raconte aussi son désir fou de retourner sur ses pas aujourd’hui…de rejoindre l’Espagne et son fleuve mythique (qui donne le titre à cet ouvrage),avant que sa mémoire ne sombre complètement…

En téléphonant à sa mère, Frédéric apprend qu’il est recherché par la police française.
Ses amis de la Meute l’ont dénoncé comme étant l’auteur d’un meurtre dont il est innocent.

Traqué par la police, Frédéric n’a d’autre solution que de voler pour manger, boire et subvenir aux besoins de Pépita qui alterne  moments de lucidité et moments de grande confusion.

Au cours d’un cambriolage destiné à leur procurer un peu de nourriture, il fait la rencontre d’un père marocain et de sa fille tous deux clandestins, tout aussi détraqués et traqués que lui, qui cambriolaient la même maison et qui lui viennent en aide alors qu’il est pris à parti par le propriétaire des lieux…

Tous quatre s’unissent dans leur fuite et vont poursuivre ensemble leur road-movie…

Un roman haletant, à la fois sombre et violent, lumineux et plein d’espoir, parfois émaillé d’invraisemblances (une grand-mère qui parle avec beaucoup de poésie mais est capable d’asséner un coup de sac à un contrôleur)…
Un roman d’apprentissage qui évoque de nombreux problèmes de société tels la violence, la montée du racisme, le chômage, l’avortement, les difficultés des familles monoparentales, les maladies de la vieillesse…

En suivant le parcours de ce fleuve, le jeune héros traverse l’Espagne à la découverte de lui même (de son passé), à la rencontre de l’autre (l’Arabe), à la découverte aussi de l’amour…

Poignant.