Les artichauts

ALBUM -Dès 7 ans **
de Momo GERAUD,
illustré par Didier JEAN & ZAD
Editions UTOPIQUE ; Collection » Bisous de famille » 15,50 €

Un livre fort, sur le thème de la souffrance des enfants témoins de violence conjugale.

La petite narratrice, dernière d’une fratrie de 3 (les ainés sont absents), est terrorisée par la violence psychologique et physique, qui émane de son père ou du compagnon de sa mère.
L’esprit préoccupé, Jeanne fait ses devoirs sur la table de la cuisine avec sa maman (Bonne élève, elle n’arrive pas à comprendre… la division).
Elle a d’ores et déjà anticipé :  On mange des artichauts. Il n’aime pas ça. Elle cherche à se rassurer : « Peut être que ce soir, il ne se passera rien ! »
(L’artichaut est un légume assez symbolique et n’a pas été choisi au hasard par l’auteur : Pour le manger, il faut le « déshabiller »  arracher les feuilles, enlever les poils, gratter le coeur, le couper, (toutes actions assez dramatiques ) puis voir la vinaigrette s’écouler… L’expression avoir un coeur d’artichaut est aussi bien adaptée à cette histoire).
L’homme arrive. La menace, sourde  devient alors tangible. La mère parle plus fort, plus vite. Vite ranger le cartable. Vite mettre la table. Sans bruit. Sans se tromper (il a ses habitudes, il  y tient.) Ne rien faire qui risque de causer l’explosion.
Le bruit sec de la bouteille, le claquement de son canif qui se ferme…Tout est dit.

Un récit à hauteur d’enfant sans concession, qui montre la montée progressive de la menace, son déclenchement souvent pour un rien, l’explosion de la colère, la violence, le rôle non négligeable de l’alcool dans le processus.
Les émotions de Jeanne sont bien décrites qui montent en crescendo : D’abord diffuses, contenues, elles se chargent vite en peur, en angoisse, en terreur.
Au paroxysme de la crise, l’enfant cherche des échappatoires possibles.
D’abord physiquement : elle ferme les yeux, se bouche les oreilles, enfonce ses doigts dans ses tempes, puis elle se trouve des portes de sortie mentale, des refuges dans l’imaginaire, pense à des personnes pouvant lui apporter réconfort et sécurité, se force à évoquer des moments apaisés de partage, de joie, ou se projette dans un avenir plus optimiste (elle, elle aura un amoureux gentil, elle sera avocate…)

Ce livre est glaçant Les dessins dépouillés sont très sobres et  très signifiants (les scènes de violence montrent des ombres, des silhouettes).
Le thème difficile est bien traité.
Dommage peut être que les pages documentaires soient plutôt à destination des adultes.
Les enfants comprendront-ils qu’il est important pour eux de se confier, d’oser parler?
On sort de cette lecture remué.